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Camille Renault et le bateau de pierre
Camille Renault et le bateau de pierre
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3 février 2007

Souvenirs de Robert Laroque - suite

Les menus eux, étaient fréquemment illustrés par les soins des pensionnaires de la maison. Camille avait baptisé lui-même de noms d’artistes la plupart des créations culinaires justement appréciées des gourmets : Tournedos Utrillo, Poularde Gauguin, Croustade Dufy etc…
La déambulation capricieuse de Camille captait les regards sous tous les angles. des mains agacées commençaient à esquisser des dessins sur les menus ou sur les nappes. Il faut dire que si notre mentor exposait des toiles chez lui ou les faisait diffuser par un marchand parisien, son grand plaisir, son art suprême c’était la vente directe à des clients choisis non sans flair, à l’issue d’une savante stratégie.  Il ne s’asseyait donc pas à n’importe quelle table mais là où il avait mis le client potentiel dans son collimateur.
La victime en puissance ravie de faire une place au maître de céans, s’empressait d’engager la conversation : son siège commençait.
On parlait de tout, même de politique dont au fond Camille se moquait éperdumment. Arrivé au chapitre de la peinture, notre négociateur, aussi habile qu’obstiné, avait convaincu et gagné. Et une personne persuadée d’avoir fait l’affaire du siècle, s’en allait dans la nuit, un tableau sous le bras.

Il n’est guère possible d’évoquer Camille Renault sans penser à Pierre Gaudin. Ce dernier l’a assez connu pour lui prodiguer son amitié. C’était lui, Pierre, l’âme du groupe des jeunes Peintres de Puteaux. Ces artistes ne rêvaient-ils pas de s’insérer dans la mouvance de l’école et de relayer à leur façon leurs aînés ? A ce jour, il y en a quelques uns qui ont tenu et réussi ce pari. On les en félicite. Camille ne refusa jamais à Pierre Gaudin de prélever quelques tableaux où documents sur sa collection pour illustrer les expositions annuelles de peinture dans le salon d’honneur de la Mairie. Je possède encore quelques photos de cette époque ou l’on voit Camille appuyé sur deux cannes, faisant le tour des cimaises. Il avait un pacemaker dans la poitrine et uen centaine de kilos en moins. Cependant, il conservait sa gentillesse et son égalité d’humeur. Quand l’on s’inquiétait de sa santé il répondait “Merci ma centrale électrique va bien”.

Un jour, Philippe Courtois avec qui j’avais fait une exposition au Restaurant, ayant appris que Camille gardait la chambre, me fit monter avec lui à l’étage.
Je revois l’antre du héros, pièce étonnante tapissée d’une quantité de toiles de petit format portant des signatures illustres ; Rouault, Picasso, Kapka, Villon etc…
Présence de deux gros chiens tapis peaux de bêtes et reposant tout habillé sur son lit.
Camille détendu, royal. Il semblait ravi d’avoir notre visite. Il plaisantait comme à l’accoutumée mais je surpris son regard un peu perdu, errant dans le vide, et je ne pus m’empêcher de penser que cet homme si adulé devait connaître certains jours. (à suivre)

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